Peut-on encore parler de fruits frais quand ils ont été cueillis il y a plusieurs mois ? Les techniques de conservation des pommes sont devenues si efficaces quelles permettent de les proposer toute l'année. Gros plan sur le régulateur de croissance SmartFresh.
Aujourd'hui, la présence presque ininterrompue de pommes dans les rayons des magasins pousse à s'interroger sur les méthodes de conservation utilisées à l'égard de ce fruit, qui reste le plus consommé de France. Le premier traitement auquel il est soumis est l'entreposage en chambre froide sous atmosphère modifiée (pauvre en oxygène et riche en gaz carbonique), qui ralentit sa respiration et son métabolisme. Utilisé depuis plusieurs dizaines d'années, ce procédé permet de conserver les pommes jusqu'à 10 mois (8 mois pour les Golden, 7 mois pour les Granny Smith, 5 mois pour les Royal Gala). Une autre technique est venue compléter ce dispositif : SmartFresh, un régulateur de crois sance commercialisé en France depuis 2005 par AgroFresh, une société américaine. En effet, même sous atmosphère contrôlée, les pommes légèrement endommagées peuvent dépérir sous l'effet de l'éthylène, l'hormone à l'origine du processus de mûrissement.
La substance active du SmartFresh, le 1-MCP ou 1-méthylcyclopropène, bloque les récepteurs de l'éthylène. Un prestataire extérieur homologué par le fabricant solubilise le produit dans un seau d'eau placé pendant 24 heures à l'endroit où sont stockés les fruits. Le gaz se dépose sur la peau de ceux-ci, et le cycle de maturation est mis en pause. À la sortie de la chambre froide, le fruit recommence à mûrir, car, au contact de l'air, de nouveaux récepteurs sensibles à l'éthylène se forment. Avant de pouvoir être utilisé par les pomoculteurs, le SmartFresh a fait l'objet d'une demande d'autorisation de mise sur le marché en Europe et en France. L'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) et l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation (Anses) se sont prononcées favorablement, considérant la substance comme « non toxique ».
Du point de vue du bénéfice constaté, il semblerait que le SmartFresh soit efficace pour conserver le croquant de la pomme. Mais pour ce qui est de la préservation des nutriments bénéfiques pour la santé, les avis divergent. Stephen Morris, directeur du Sydney Postharvest Laboratory, en Australie, affirme que le SmartFresh ne ralentit pas la dégénérescence vitaminique de la pomme en chambre froide. Au contraire, pour Roy McCormick, Daniel Neuwald et Josef Streif, du centre de recherche KO B de Ravensburg, en Allemagne, le produit ralentit la perte de vitamine C.
« Notons que l'intérêt nutritionnel majeur des pommes reste les fibres et les polyphénols », rappelle Catherine Renard, directrice de recherche spécialisée dans la sécurité et la qualité des produits d'origine végétale à l'institut national de la recherche agronomique (Inra) d'Avignon. Les polyphénols sont des molécules à fort potentiel antioxydant. Ils permettent de lutter contre la formation dans l'organisme de radicaux libres à l'origine de maladies cardiovasculaires et de cancers. L'étude de Bruno Defilippi, chercheur à l'université de Californie, publiée en 2004 dans la très sérieuse revue scientifique Journal of Agricultural and Food Chemistry, nous apprend que les polyphénols ne subissent pas l'influence de l'éthylène et donc du SmartFresh. Dès la fin de la croissance du fruit, ils amorceraient leur lente dégradation sans que la molécule 1-MCP puisse la stopper. Mais ces composés organiques se maintiennent dans la pomme pendant une période de 2 à 9 mois à basse température et sous atmosphère contrôlée.
Les précautions d'emploi du produit laissent également perplexes. Dans un document destiné au personnel formé par AgroFresh, on peut lire que, « pour pénétrer dans l'aire de traitement avant la fin de celui-ci, les personnes doivent porter des gants résistant aux produits chimiques ainsi qu'un respirateur ». Mais le SmartFresh est un gaz qui s'évapore à l'air libre. Une fois en magasin, une pomme traitée ne contient pas de résidus de ce produit. On ne peut pas en dire autant des pesticides. Avec 36 pulvérisations en moyenne, la pomme est le fruit le plus traité de France. Par mesure de précaution, elle est souvent épluchée avant d'être consommée, ce qui lui fait perdre une partie de ses vitamines et polyphénols, surtout présents dans la peau.
Si les produits emballés doivent mentionner l'utilisation de conservateurs, qu'en est-il des fruits frais ? Le SmartFresh permet de conserver une pomme jusqu'à 12 mois en chambre froide et sous atmosphère contrôlée. Cette technologie fait naître une autre interrogation : quel est l'âge réel des pommes que nous achetons ? Une information que nous aimerions voir figurer sur les étals.
COMMENT L'ÉTHYLÈNE FAIT-IL MÛRIR LES FRUITS ?
L'éthylène est une hormone végétale que la plante produit lorsqu'elle vieillit et qui se dégage dans l'atmosphère. Tous les fruits ne réagissent pas de la même manière à l'exposition à l'éthylène.
À SAVOIR :
POURQUOI BRILLENT-ELLES ?
Si, sous les lumières des néons, les pommes scintillent, ce qui les rend encore plus appétissantes, c'est grâce à l'application d'une cire spéciale. En France, les ingrédients d'origine naturelle sont privilégiés, comme la cire d'abeille. Certains additifs moins reluisants sont parfois ajoutés, comme le polysorbate 80 (E433), suspecté d'être cancéri gène à haute dose, ou le propylène glycol (El 520), pour rendre les fruits
plus résistants à la moisissure et aux chocs.
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